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Interviews

A+B designers : « Notre choix formel et productif : la simplicité sans compromis »

Publié le 10 décembre 2012

Davantage habitués aux projets de commande qu’à démarcher les maisons d’édition, Brice Genre (né en 1979) et Hanicka Perez (née en 1982) forment le duo de designers toulousains A+B designers. Les deux jeunes créatifs ont lancé fin novembre le projet ambitieux d’une collection d’objets en autoédition. Il n’en fallait pas moins pour nous donner envie de les rencontrer et de parler avec eux de leur approche du design.


Comment est né votre studio de design ?

Nous avons suivi la même formation universitaire à l’Université du Mirail à Toulouse. Nous sommes tous les deux enseignants à la fac en Arts Appliqués. Dés 2007, on a commencé à travailler ensemble et à participer à des concours. On a découvert que l’on partageait une vision commune de notre discipline et de nombreux points de vue similaires. Après avoir été lauréats pour un projet de mobilier urbain à Bruxelles et pour le concours Nespresso, on a crée officiellement notre structure A+B, un nom que nous utilisions déjà auparavant.

Percolateur et vaisselle, premier prix, Nespresso Design Contest 2008

Quel est le positionnement de A+B, l’identité de votre studio ?

Notre posture, ce n’est pas de proposer un « style » mais plutôt une méthode qui questionne les objets, pensés comme des outils, sur les usages qu’ils proposent. On essaye de repartir de zéro, d’ôter à l’objet toutes ses références culturelles et symboliques, d’établir plusieurs scénarios et ensuite, on commence à avoir une idée des proportions, des matériaux… Pour nous, les objets sont des prétextes « à vivre » : des prétextes à rencontrer les autres, des « supports de vie » dans le sens où ils n’ont pas de valeur en soi. La valeur des objets se crée dans ce qu’ils nous amènent à vivre.

Pourquoi vous être lancé dans l’autoédition ?

Nous avons fait plusieurs constats : on voulait valoriser certains objets qui existaient déjà comme les miroirs que l’on avait dessinés pour le projet « Ciels Domestiques », Nègrepelisse (2009-2010), on voulait travailler avec des matériaux qui nous plaisaient mais l’autoédition, c’était aussi pour nous l’occasion de créer des liens avec des artisans, d’en apprendre plus sur leurs pratiques professionnelles, de s’inscrire dans un tissu économique et social et enfin de participer à la mutation de la figure du design en devenant aussi « designer-artisan ».

On est parti sur une collection de 3 objets : une collection de sacs et portefeuilles en cuir, des miroirs et des étagères en bois soit des objets mono-matières avec une écriture très simple. On voulait créer des objets incarnant une sorte de simplicité radicale. Notre ambition, c’est de retrouver un contact avec des objets de qualité à des prix plus ou moins abordables, dont on comprend la fabrication, et qui offrent une lecture immédiate…Autant sur la forme que sur le fond, on recherche une simplicité sans compromis et des objets qui conjuguent fonction technique et fonction esthétique. On est en train de conceptualiser cette approche autour de la notion de « design paysan » soit pour nous, le plus court chemin pour arriver au résultat que l’on souhaite.

Quel est votre point de vue sur l’éco-conception et l’engouement actuel pour le design durable ?

Sur cette question, on pourrait dire que nous ne sommes ni des imposteurs ni des fanatiques. Et ce projet d’autoédition traduit en quelque sorte notre approche : nous valorisons l’approvisionnement local (le bois vient des Pyrénées, le cuir de l’Aveyron) et nous créerons des liens dans un tissu humain, de savoir-faire, économique…Il faut faire attention à ce qu’on met derrière le terme éco-conception : s’agit-il de marketing ou au contraire d’une logique de bon sens qui pense l’optimisation énergétique ? Le design durable ce n’est pas seulement des matières recyclables mais c’est aussi tout le système de production plus globale qui se cache derrière…Quand on a travaillé sur l’ordinateur écologique éco-conçu (société META IT, Bordeaux / Bidart, 2010-2012), on a enlevé 95% de ce qui était « inutile ». Selon nous, ce type de démarche, c’est aussi du design « responsable ».

Quelles sont les difficultés auxquelles vous vous êtes confrontés pour l’autoédition ?

Il y a notamment la question de l’approvisionnement des matières premières (les sacs sont faits d’un seul pan de cuir, il est ainsi très difficile et rare de trouver des peaux de cette taille sans aucun défaut), du coût, du volume. Cela change beaucoup de choses car il y a un changement d’échelle important par rapport à la pièce unique, même si pour le moment, nous produisons en très petites séries (24 exemplaires pour le sac, 12 exemplaires pour les miroirs et étagères).

Quels sont les designers qui vous inspirent ?

Nous sommes très branchés design japonais et italien avec quelques valeurs sûres comme Andrea Branzi, Ettore Sottsass qui proposent des objets intellectuels et sensibles, Jasper Morrison mais d’autres comme Piet Hein Eek pour sa posture de designer-artisan. Toutefois, des architectes, des plasticiens et des artistes issus d’univers différents sont autant de sources d’inspirations intéressantes pour nous. Avant chaque projet, on écrit un texte avec des références bibliographiques qui peuvent aller du cinéma à des citations d’auteurs littéraires. Pour présenter notre projet de poignée de porte (Poignée pour coulissant aluminium, société Sotralu, Muret, 2011-2012), on a débuté notre présentation avec un texte d’Aristote sur la main…

Avez-vous d’autres objets à autoéditer en perspective ?

Oui, mais nous sommes en pleine phase de réflexion et pour le moment, nous ne pouvons rien dévoiler car il y a de nombreux paramètres à prendre en compte : l’investissement, le protocole de fabrication, etc. Avant d’arriver à l’objet final, on réalise souvent 3 prototypes. Alors si le prototype coûte 5000€ (comme le Fauteuil Orwell, Prix du Public, Design Parade 05, 2010), cela est difficile à mettre en œuvre et à produire ! Enfin, nous devons aussi respecter la ligne éditoriale que nous avons élaboré à travers notre première collection, cette simplicité radicale…

Où peut-on retrouver vos objets autoédités ?

L’é-shop devrait être en ligne courant décembre ou janvier, dans des boutiques éphémères et peut-être bientôt dans quelques boutiques…Tout cela est aussi cours d’élaboration.

Propos recueillis par Déborah Antoinat

En savoir plus : www.aplusbdesigners.com